Ce n’est pas comme si c’était le premier avertissement. Il y a trois ans, Frank Yeung, un ancien banquier de Goldman Sachs, qui avait fui l’industrie pour lancer une chaîne de restaurants mexicains Poncho No. 8, avait lancé un sérieux avertissement à l’attention des jeunes banquiers : rester en banque d’investissement et vous vous y retrouverez piégé !
« Les bonus différés ont très clairement contribué au fait que des personnes restent dans des jobs dans lesquels elles ne s’épanouissent pas, écrivait alors Yeung. Dès ma première année, une partie de mon bonus a été bloqué sous forme d’actions, accessibles seulement deux ans plus tard. Au cours de ces deux années, mes bonus d’un montant deux fois supérieurs ont été à nouveau en partie différés et bloqués pour un temps, et ce schéma se reproduit encore et encore d’une année sur l’autre… Aussi bien que vous arrivez à un stade où vous avez accumulé trop d’argent pour partir et vous en détourner ».
Trois ans plus tard, un autre banquier, qui a également quitté Goldman Sachs, fait aujourd’hui la même mise en garde. Sauf qu’il précise le timing : si vous restez dans le secteur bancaire au-delà de 30 ans, vous serez probablement coincé là pour toujours.
« J’ai démissionné de Goldman Sachs de manière tout à fait volontaire, nous confie Arnold (qui n’est pas son vrai nom). J’ai ressenti le besoin de faire quelque chose de différent, qui me paraît faire plus de sens. Vous seriez surpris de voir combien ce sentiment est répandu chez Goldman – en particulier parmi les jeunes ».
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Ce que les banquiers font vraiment après la banque
Selon Arnold, le nombre de banquiers juniors démissionnaires de Goldman à Londres devrait cette année être exceptionnellement élevé. Une tendance que la banque n’a pas confirmée, ni voulu commenter. « Au final, les gens savent bien que les bonnes années sont derrière nous, explique Arnold. Il y a dix ans, vous pouviez gagner des sommes démentes en banque. Désormais, quitter le secteur pour faire quelque chose qui vous tient vraiment à cœur ne représente plus un coût si énorme ».
Diplômé de certaines des meilleures formations quantitatives britanniques, Arnold serait une prise de choix pour n’importe quelle banque. Cependant, il n’a pas l’intention de revenir en finance. Parti faire du bénévolat au Mexique, il prévoit maintenant de chercher un emploi dans la Silicon Valley. « Je ne suis pas marié, je n’ai pas d’enfants et je ne suis pas non plus accro à un mode de vie dépensier. J’ai la liberté de réaliser ce changement », témoigne-t-il.
Arnold reconnaît que sa décision a été facilitée par le fait qu’il n’avait pas à renoncer à des « stocks » bloqués par Goldman, chez qui il a travaillé pendant quelques années seulement, et payé intégralement en numéraire. Une chance, dit-il. « Cela devient beaucoup plus difficile de quitter la banque une fois que vous atteignez la trentaine. Une fois que vous avez des actions bloquées, une famille et un crédit immobilier, il est presque impossible de quitter le secteur. J’ai vu beaucoup de personnes plus âgées que moi se sentir totalement pris au piège ».
Dom Jackman, fondateur du site anglais EscapetheCity, qui aide banquiers et autres profils corporate à quitter leur emploi de bureau pour embrasser une toute autre carrière, constate qu’autour de 70% de ces “évadés” ont moins de 30 ans. Cependant, c’est moins l’âge que le fait d’avoir constitué une famille qui restreint les possibilités de reconversion. « Avoir des enfants va vraiment faire obstacle à tout projet extravagant, nous explique Jackman. À part un couple parti avec leur enfant au Népal, je ne vois pas d’autres exemples de parents ayant fui ainsi la City »
