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Twitter : les banquiers français sont-ils technophobes ?

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L’introduction en bourse de Twitter à l’automne, probablement au NYSE, promet d’être l’évènement de l’automne, alors que les premières estimations pour sa valorisation tablent sur plus de 9 milliards de dollars. Bien entendu, l’annonce publique de l’IPO a été faite, le 12 septembre, sur le réseau social lui-même.

Une pratique de plus en plus fréquente outre-Atlantique : on se souviendra longtemps par exemple des deux tweets de Carl Icahn affirmant accroître son programme de rachat d’actions Apple, qui a fait bondir le cours de l’action de 4,75 % et fait ainsi gagner plus de 20 milliards de dollars à la capitalisation boursière du groupe.

Icahn 2

La France à la traîne

Mais qu’en est-il en France ? Alban Jarry, président des groupes de travail LEI et AIFM à l’Association française de gestion, étudie la place des réseaux sociaux dans le secteur financier – il conduit jusqu’au 4 octobre un sondage sur les pratiques des professionnels français –, et analyse en particulier le rôle de Twitter. « Il y a de plus en plus de professionnels de la finance sur Twitter, plus à Londres et à New York qu’à Paris. » Il ne faut pas se mentir : la finance part sur ce terrain avec plusieurs années de retard, et la méfiance pour ce nouveau média est plus forte en France qu’ailleurs. « Il y a souvent des restrictions d’accès à Twitter dans les institutions financières », reconnaît Alban Jarry.

Rares sont les senior bankers qui twittent au travers d’un compte à la fois personnel et professionnel à leur nom. Un certain nombre fréquenteraient le réseau social sous un pseudonyme, comme d’ailleurs les employés juniors, qui appliquent la même méthode sur Facebook, soucieux de ne pas entraver leur carrière, surtout quand leur usage des réseaux sociaux ne correspond pas à l’image attendue d’un banquier. Un jeune professionnel qui s’est spécialisé en ligne sur le Street Art, préfère y apparaître sous pseudo, pour ne pas associer cette passion à son travail. D’autres pseudos, comme Bankman, qui a tout de même plus de 8.000 followers, adoptent un discours à la fois idéologique et parodique, dans la veine de beaucoup de comptes divertissants et/ou engagés sur le réseau, comme Humour de droite.

Des vrais twittos issus du monde de la finance ? Pierre-Antoine Dusoulier, président de Saxobanque, un courtier a fait le pas depuis longtemps : « Depuis que Twitter existe, on est tombé amoureux de ce moyen de communication. » S’il se montre très actif sur le réseau, il a du mal à citer des professionnels francophones qui comme lui seraient présents sur Twitter : Philippe Waechter, Chief economist de Natixis Asset Management, Jérémie Berrebi, co-fondateur avec Xavier Niel de Kima Ventures, Thierry Leyne, le banquier d’affaires qui vient de s’associer avec Dominique Strauss-Kahn.

Reste surtout l’équipe de margincall.fr, autour d’Éric Valatini et de ses « gueunons », ainsi que se surnomment eux-mêmes les contributeurs du site. Un groupe dont l’activité sur le réseau social ne se limite pas à faire la promotion de leurs posts. Leur commentaire en continu de l’actualité des marchés et leur partage d’articles de la presse spécialisée en ont fait de véritables « influencers » dans leur domaine, avec plus d’un millier de followers pour certains. Leurs analyses sont reprises par la presse, les journalistes étant particulièrement attentifs aux comptes Twitter les plus écoutés. Beaucoup de socialisation et de discussions aussi, d’humour noir et d’ironie cynique sur l’actualité, un bavardage constant qui peut parfois énerver. Un trader-twittos confesse : « Éric Valatini, j’ai fini par l’unfollow, il twittait trop. » Même chez les plus technophiles, l’usage de Twitter pose question.

Du silo Reuters à Twitter

Il y a pourtant de très nombreux usages professionnels et personnels au réseau social, particulièrement adaptés au monde de la finance. Le premier, c’est celui d’un accès rapide à l’information. Pour Pierre-Antoine Dusoulier, « Twitter ressemble aux silos Reuters auxquels les professionnels du secteur sont accoutumés depuis des décennies ». Il ne s’agit pas de suivre les comptes des grands sites d’information, qui vous inondent d’articles inutiles. « Ce que je suis, ce sont des individus, des journalistes spécialisés, les top journalists d’un secteur ou d’un pays, qui sortent les informations le plus tôt possible. Quelques silos de boîte. Mais ce qui est intéressant, ce n’est pas la communication corporate. » Alban Jarry considère que ce média permet parfois d’avoir plusieurs heures d’avance sur d’autres méthodes. « En particulier, dans le cas du bug du NASDAQ, les informations arrivaient d’abord sur Twitter ».

Le site de micro-blogging est en outre très utile pour la communication sur des produits ou des évènements. Pierre-Antoine Dusoulier cite ainsi un exemple caractéristique : « on avait lancé un produit dédié pour les agriculteurs, une plateforme de trading de courtage sur les futures agricoles. La communication RP et l’évènement de lancement n’avaient été repris quasiment nulle part. Au moment du Salon de l’agriculture, quasiment un an après, je twitte que nous avons cette plateforme. Ça a été repris par des journalistes, et on a eu la semaine suivante des dizaines d’articles sur cette offre. » Le président de Saxobanque utilise en outre les tweets pour sa communication interne, le réseau lui permettant de partager avec tous ses employés des évènements de la vie de l’entreprise.

Et surtout, dans nombre de secteurs, comme dans la finance, le réseau devient un outil très utile en matière de recrutement.

Pour les candidats, Twitter permet de bâtir une veille efficace du marché de l’emploi en finance via les ”job boards” comme eFinancialCareers, qui ont souvent plusieurs comptes dédiés, où offres et articles sont relayés, pays par pays. Il permet aussi de s’adresser directement aux recruteurs. Les interactions, même avec des personnalités publiques ou des institutions renommées, étant tout à fait dans les mœurs du réseau.

Les grandes banques parisiennes, BNP ParibasSociété généraleHSBCCrédit agricole… ont désormais pour la plupart leur compte spécialisé RH qui twitte les offres d’emploi. 

Robot-twittos et robot-traders

Les grands établissements se lancent ainsi progressivement sur le terrain de la communication corporate globale. Le monde du web ayant ses codes très particuliers, les premiers pas sont parfois difficiles. Alban Jarry cite comme exemple la mésaventure de Bank of America, dont la gestion du community management, l’interaction avec les utilisateurs, était semble-t-il programmée automatiquement. Le but de communiquer sur les réseaux sociaux est de donner un visage humain à un établissement. Or, alors que des utilisateurs interpellaient la banque sur les saisies de maisons aux États-Unis, un message préenregistré et sans rapport leur répondait systématiquement. Les twittos se seront ainsi amusés quelques heures avec le robot de réponse, en lui envoyant des messages politisés, la réponse automatique finissant par devenir un running gag manifestant le manque d’humanité de la banque, finalement forcée de désactiver le robot.

Les établissements développent cependant des stratégies de plus en plus intelligentes. Pour Alban Jarry, elles devront reposer sur un noyau d’utilisateurs réels en interne, qui seront les meilleures défenses des banques en cas d’attaque de réputation. « Si Twitter avait été aussi largement utilisé en 2008, la communication de la Société Générale aurait été très différente dans l’affaire Kerviel », l’implication personnelle d’employés permettant de dissiper le soupçon d’un manque de transparence.

Mais Twitter n’est pas seulement un gadget de communication et d’information. Des méthodes de trading algorithmique se penchent sur le flux massif de cet outil du « web sémantique », pour anticiper l’actualité. Après que le réseau social a provoqué un flash crash au printemps, ces problèmes techniques et annonces de marchés ont motivé des réflexions réglementaires de la SEC, qui a autorisé les annonces sur le réseau. En Europe, l’ESMA (European securities and markets authority) a un compte Twitter, et a engagé des travaux similaires. En France, selon Alban Jarry, « il y a plus d’experts indépendants que de régulateurs qui travaillent sur la question ». Comme l’AFG, certaines grosses associations financières projettent de faire leur entrée sur le réseau.


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