Au moment de publier cet article, son profil n’a pas encore été updaté. Jérémie Banet, ex-gérant de portefeuille chez Pimco à New-York, est encore et avant tout le co-fondateur de Monsieur Madame, un food truck qui arpente les rues de Los Angeles depuis 5 mois faisant la promotion de la French Cuisine. En juin, sa démission suite à des remarques désobligeantes du « roi de l’obligataire » Bill Gross et sa reconversion dans le croque-monsieur avaient fait les choux gras de la presse financière. Maintenant que le co-fondateur du géant Pimco Bill Gross est hors d’état de nuire depuis qu’il a quitté le navire avec pertes et fracas il y a un mois, Jérémie Banet va pouvoir faire son retour chez le géant mondial de l’obligataire.
C’est ce que vient d’annoncer Pimco dans un communiqué. Le Français, formé chez BNP Paribas et diplômé de l’université Paris Dauphine en 2000, reprend du service dès la semaine prochaine comme gestionnaire spécialiste des stratégies « real return ». Il est en prime promu Executive Vice President.
Une histoire d’aller-retour forcément riche d’enseignements :
1 – Pas si évident de décrocher de la finance
Il est légitime pour les financiers de se demander parfois si poursuivre en banque ou en finance vaut encore la chandelle : pression des résultats, management pas toujours délicat, transformation radicale de l’industrie avec des impacts sur les métiers, l’organisation, les rémunérations… et la liste n’est pas exhaustive. Pour autant, quitter la finance est une décision compliquée, d’abord parce que les compétences d’un banquier ou d’un gérant ne sont pas aisément transférables dans un autre secteur, et surtout le virage professionnel, quel qu’il soit, signifie quasiment automatiquement un sacrifice financier. Or il ne faut jamais sous-évaluer l’accoutumance à un certain niveau de vie. Après 5 mois dans son food truck, Jérémie Banet s’est peut-être dit que la finance avait finalement encore beaucoup à lui offrir.
2 – Ne pas tourner le dos à la finance trop longtemps
Beaucoup de financiers décident de jeter l’éponge, puis se rendent compte finalement que la finance leur manque – pas que pour le confort de vie qu’elle peut offrir, mais pour la stimulation intellectuelle, l’adrénaline des marchés ou des opérations à boucler, la qualité des contacts… Sauf qu’un retour est plus hypothétique à mesure que le temps passe. Jérémie Banet n’a pas fait l’erreur de disparaître très longtemps des radars : 5 mois d’absence et le revoilà déjà en selle.
3 – Ne jamais sous-estimer les opportunités qu’offrent les groupes qui traversent une mauvaise passe
Il ne fait pas mystère que Pimco est dans une situation délicate : exode de gérants depuis plus d’un an, démission de ses 2 co-fondateurs emblématiques (Mohamed El Erian et Bill Gross) en l’espace de 9 mois, une décollecte record depuis 17 mois d’affilée. Qui aurait envie de rejoindre un bateau à la dérive ? Sauf que le mercato managérial dans ces périodes critiques offrent des opportunités uniques dans une carrière. Pourquoi Virginie Maisonneuve, une experte de la gestion actions aurait-elle rejoint Pimco en janvier, alors déjà secoué par le départ de nombreux de gérants, si ce n’est pour relever un défi rare dans vie professionnelle ?
En outre, après le creux de la vague arrive généralement une politique active d’embauches. Evidemment la démonstration s’applique particulièrement bien à des firmes comme Pimco qui détient une véritable franchise (près de 1.900 milliards de dollars d’actifs sous gestion !), bref un nom reconnu dans le secteur. Et Pimco d’expliquer que depuis le début de l’année plus de 20 professionnels seniors de la gestion l’ont rejoint, dont 5 managing directors.
4 – Gardez un œil sur les sociétés avec un top management très senior
Comme dans le cas de Carsten Kengeter, nommé en début de semaine à la tête de Deutsche Börse, l’âge avancé de l’actuel patron de l’opérateur boursier allemand, a joué clairement en faveur de l’embauche de l’ancien patron de la banque d’investissement d’UBS. Chez Pimco aussi, on préparait la relève de Bill Gross, 70 ans, avant même sa démission surprise le mois dernier. Jérémie Banet aurait probablement eu tort de ne pas considérer un retour chez son ancien employeur, où le chemin vers le top management est en train de se fluidifier. D’ailleurs le Français est bien revenu, avec une promotion à la clé.
5 – Pourquoi ne pas surfer sur la tendance du « retour chez son ex-employeur »
Il y a quelques mois, on vous parlait de cette nouvelle vague. Recruter un ex-salarié est une opération à moindre risques et à moindre coûts pour l’entreprise, et signifie souvent un saut salarial pour l’employé exilé qui fait son retour. D’autant qu’en France le législateur a récemment facilité les conditions de ce retour dans la loi de sécurisation de l’emploi votée l’an passé, qui prévoit le droit à une période de « mobilité volontaire sécurisée » (article 6). Concrètement, un salarié peut sous conditions, partir exercer une activité dans une autre entreprise, durant une durée limitée, avant de revenir dans son entreprise d’origine.
6 – Toujours garder de bons contacts avec votre employeur
Le principe de précaution doit toujours être appliqué, quelles que soient les circonstances. Malgré le contexte légèrement tendu dans lequel Jérémie Banet a donné sa démission (Bill Gross lui avait lancé : « Je comprends rien à ce que vous dîtes. Et je ne vous ai d’ailleurs jamais compris »), le Français est resté poli en toutes circonstances. Au Wall Street Journal, il avait nié cet épisode et avait déclaré avoir « énormément de respect et d’admiration pour Bill Gross ».
7 – Chasser deux lièvres à la fois
Jérémie Banet a beau avoir réintégré Pimco, il ne lâche pas son business de food truck pour autant. D’après Reuters, le Français va continuer de s’impliquer, en parallèle de son métier de gérant, dans le développement de ce projet mené avec sa femme Nissa, une ex-financière, qui en reprendra la gestion quotidienne de Madame Monsieur. Il n’est jamais trop tard pour préparer sa reconversion (bis).