Les dirigeants de banques semblent avoir le vent en poupe auprès des institutions françaises comme en témoigne la récente nomination à la tête d’Euronext de Stéphane Boujnah, directeur général de Santander Global Banking and Markets pour l’Europe Continentale, ou bien la nomination en cours du prochain gouverneur de la Banque de France dont le favori est François Villeroy de Galhau, l’ancien directeur général délégué de BNP Paribas.
Concernant Stéphane Boujnah, en lice avec d’autres candidats (non banquiers), c’est sa solide expérience des marchés financiers, tout particulièrement dans la gestion d’une clientèle d’entreprises européennes et d’investisseurs mondiaux, qui semble avoir fait la différence au poste de président du directoire et directeur général.
« Nous avons été convaincus par sa connaissance approfondie de notre industrie, son expertise solide du secteur et sa vision stratégique des perspectives de croissance d’Euronext », reconnaît Rijnhard Van Tets, président du Conseil de surveillance d’Euronext. Un autre banquier, Jean-Pierre Mustier, ex-dirigeant de la Société Générale et désormais responsable au sein de la société d’investissement Tikehau, a notamment été approché, sans succès.
Eviter les conflits d’intérêts
Si certains refusent d’être débauchés, c’est que l’accession des banquiers au pouvoir ne va pas de soi. Le ministre de l’Economie Emmanuel Macron, ancien banquier d’affaires chez Rothschild & Cie, en sait quelque chose… Quant à la nomination de François Villeroy de Galhau, elle suscite actuellement une vive polémique. Dans une tribune publiée dans Le Monde, près de 150 économistes, dont Thomas Piketty, demandent aux parlementaires de rejeter cette nomination au nom des risques de conflits d’intérêt.
Pourtant, dans le cas où il serait effectivement nommé à la tête de la Banque de France, François Villeroy de Galhau s’est d’ores et déjà engagé à couper tout lien financier avec la banque : « Je ne percevrai évidemment aucune rémunération différée de BNP Paribas (…) Je m’engage à ne participer à aucune décision individuelle concernant BNP Paribas ou une de ses filiales dans un délai de deux ans après mon départ de ce groupe ».
Surtout, il est reproché à M. Villeroy de Galhau non seulement d’être un ancien banquier, mais aussi d’être énarque et inspecteur. Et donc d’être (trop) proche des milieux politiques. Avant de rejoindre BNP Paribas, il était ex-directeur de cabinet de Dominique Strauss Kahn à Bercy, où il travaillait avec un certain Stéphane Boujnah, alors conseiller technique en matière de technologie auprès de DSK.
Cap sur l’international
La nomination d’ex-banquiers à la tête de grandes institutions n’est pas une pratique franco-française, loin s’en faut. Avant d’accéder à la présidence de la Banque centrale européenne (BCE), Mario Draghi n’était autre que le vice-président pour l’Europe de Goldman Sachs. Après Bruno Colmant (ex-ING), Euronext Bruxelles a choisi comme président Vincent van Dessel, un ancien courtier.
« Il y a davantage de mouvements d’anciens banquiers vers des organismes supranationaux que vers des organismes nationaux », constate néanmoins Alain de Borchgrave, managing partner chez Eric Salmon & Partners. Ce chasseur de têtes spécialisé dans les organisations supranationales en poste à Bruxelles explique que des institutions comme la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) recherchent des profils ayant une connaissance du secteur privé. Qui plus est, il n’y a pas que les dirigeants de banque à être courtisés. De nombreuses institutions recherchent des économistes, des risk managers ou bien encore des spécialistes de la réglementation de marché. Entre autres.
L’argent, pas la motivation première
Certes, les réglementations sur le plafonnement des bonus peuvent inciter les banquiers à aller voir ailleurs. Cela dit, « la motivation première d’un banquier pour accéder à ces fonctions est rarement l’argent mais plutôt l’envie de relever un challenge personnel, d’avoir une position en vue ou tout simplement de servir l’intérêt général », explique Alain de Borchgrave qui cite l’exemple d’un banquier qui gagnait quatre fois plus dans la banque que dans l’organisme qui l’a débauché.
Au-delà de la baisse de salaire, le plus difficile reste l’adaptation à la culture du consensus qui prévaut dans les organismes supranationaux. « La motivation profonde du candidat et ses capacités d’adaptation sont sondées à travers un panel d’interviews car travailler dans de tels organismes requiert beaucoup de patience », précise Alain de Borchgrave.