Si vous êtes un junior qui travaille dans les M&A, les pitchbooks ne sont pas seulement votre cauchemar – ils sont votre quotidien. Les analysts et associates des banques d’investissement passent ainsi 99% de leur temps à préparer des données financières pour pitcher un deal potentiel auprès des clients. Du fait de leur opacité, les deals M&A sont souvent abandonnés si bien que beaucoup de pitchs ne servent à rien. Pour les analysts et associates, cela sous-tend de travailler comme des forçats pour un deal qui peut-être ne ne verra jamais le jour.
Jusqu’à présent, les pitchbooks pour les deals M&A étaient des pavés de 100 pages remplies d’analyses financières et stratégiques. Désormais, du moins dans certains cas, les banques d’investissement tentent de réduire leur voilure. « Nous avons parlé à nos clients – ils détestent les gros books, et la plupart des gens détestent les produire, alors nous essayons de réduire leur longueur », a récemment indiqué William Rucker, le patron de Lazard, à Financial News.
Néanmoins, un bon pitchbook reste la clé pour impressionner banquiers et clients.Au Royaume-Uni, ils constituent l’occasion pour les étudiants de montrer leurs prouesses dans la création de cas d’investissement à l’occasion d’un concours baptisé UK Investment Banking Series (UIBS) organisé par les clubs finance des universités comme la London School of Economics, University College London, Imperial College London, Kings College London et Oxford University.
Ce concours M&A permet aux étudiants d’intervenir en tant que conseillers sur un deal potentiel, et de pitcher leurs idées devant des banquiers d’investissement seniors. Pour savoir à quoi ressemblait le parfait pitchbook, nous nous sommes entretenus avec Danyeel Shah, qui travaille dans la practice conseil FIG M&A d’une banque d’investissement britannique à Canary Wharf, ainsi qu’avec Victor Nourrissat, analyste dans une banque de la City et l’un des lauréats du concours de l’an dernier.
Nous avons également inclus des exemples d’acquisitions étudiées les années précédentes, comme par exemple l’acquisition de la compagnie aérienne Aer Lingus par IAG, celle de Netflix par Apple ou bien encore celle de Kabel Deutschland par Vodafone.
1. Le pitchbook parfait devrait véhiculer un message clair
Avant d’entrer dans le cœur du sujet, il est utile de garder en tête quel est l’intérêt du pitchbook. Danyeel Shah explique que les juniors sont tellement accaparés par le fait de réunir toutes les analyses financières pertinentes qu’ils en oublient souvent l’objectif global du deal. « C’est un document de marketing, il doit être précis et concis, et – surtout – montrer quelle l’opportunité. Beaucoup de juniors se concentrent sur le fait de réunir des données financières pertinentes, sans réfléchir au message à délivrer ».
2. Dix à quinze pages suffisent
Ce ne sont pas les banquiers juniors qui soumettent les pitchs aux clients, mais les directors et managing directors. Dans la plupart des cas, le pitchbook est imprimé. Il arrive souvent qu’il ne serve que de simple support, les banquiers seniors consacrant l’essentiel de leur présentation à parler de la stratégie et des arguments de vente du deal. « Vous avez généralement une heure pour parler du picth et répondre aux questions qui fusent pendant la présentation. Dix slides suffisent – les autres détails peuvent être inclus en annexe », indique dit Danyeel Shah.
3. Insistez sur votre cas le plus en amont
La plupart des pitchbooks contiennent un résumé expliquant le déroulé de la présentation. Ils contiennent presque tous quelques slides sur les gens qui pitchent le deal, mettant en évidence leurs backgrounds, ainsi que d’autres slides montrant combien la banque d’investissement est bien classée et a une présence internationale. Mais avant tout cela, vous devriez également donner un bref résumé de vos objectifs. A titre d’exemple, voici la deuxième page de la présentation de l’acquisition de Netflix:
4. Ajoutez de la valeur avec une vue globale, sans en abuser…
Imaginez que vous soyez invité à la réception d’un concours de beauté entre banques d’investissement qui toutes pitchent le même deal, ou bien comme c’est le cas pour le concours UIBS, que vous soyez un juge assistant à la même présentation d’un deal M&A fictif. Chaque pitchbook va rappeler le contexte avec une vue d’ensemble de l’industrie. Cela peut être répétitif.
« Il y a deux choses que vous devez faire ici. Comprendre vraiment le marché et les données financières servant à faire des comparaisons et donner une vue d’ensemble précise. En d’autres termes, faites des recherches qui font sens sur le secteur », explique Victor Nourrissat. « Et puis, bien sûr, assurez-vous que tout est correct. Chaque erreur de frappe ou de fautes minera votre crédibilité ».
Voici un aperçu du pitchbook d’Aer Lingus:
5. Démarquez-vous avec l’analyse de la société
Après la vue d’ensemble vient l’analyse conjointe de la cible et de l’acquéreur. Le risque est le même que pour la vue d’ensemble, à savoir de faire étalage de nombreuses analyses financière similaires à celles de vos concurrents. D’où l’intérêt de rester concis et précis. « Il y a un réel danger que les gens décrochent à ce stade, avant même que vous n’ayez délivré votre message », relève Danyeel Shah.
Mais, plus important encore, commencez à expliquer en quoi le deal a une portée stratégique. Pourquoi, précisément, les considérations stratégiques et les histoires de ces entreprises sont-elles compatibles ?
6. Faites en sorte que votre simulation soit convaincante
Il s’agit là du point critique. Vous venez de rappeler le contexte via l’analyse macro et celle de la société, et vous vous apprêtez à expliquer à votre auditoire pourquoi cela fait sens. Si c’est à ce moment précis que le client, ou le public, décroche, alors toute l’analyse financière qui viendra ensuite ne sera que simple distraction. « C’est là que beaucoup de juniors échouent. Il est difficile de passer d’un environnement universitaire où vous devez inclure autant de détails que possible, vers un environnement réel où vous devez distiller les points clés et rendre votre cas d’investissement convaincant », indique Danyeel Shah.
Voici quelques exemples :
7. Impressionnez l’auditoire avec votre analyse financière
Le gros du travail réalisé par les analysts et associates en banque d’investissement vient ensuite. Cela signifie, de façon générale, que vous fournirez une évaluation de la société à acquérir à partir de ce que tout banquier d’investissement digne de ce nom est censé maîtriser, à savoir l’analyse discount flow (DCF), suivie par l’analyse financière de la structuration et du financement du deal.
L’équipe de Victor Nourrissat a remporté le concours de l’an dernier en pitchant le deal Aer Lingus et en fournissant une analyse beaucoup plus fouillée. Selon lui, c’est là que vous pouvez vous démarquer de vos concurrents. « C’est l’occasion de briller. Les données sont plus difficiles à analyser que pour la vision stratégique. C’est également l’occasion de montrer que vous avez les compétences dont les banques ont besoin ».
Voici quelques exemples des présentations de l’équipe gagnante :
8. N’oubliez pas les annexes
Vous avez fait un gros travail d’analyse mais celui-ci s’avère trop général ou trop ennuyeux pour susciter l’intérêt de la plupart des gens ? Ajoutez-le dans l’annexe et consolez vous en vous disant que quelqu’un appréciera toutes les analyses que vous avez faites.
Si vous souhaitez participer au challenge M&A de l’UIBS l’an prochain (les inscriptions à celui-de cette année étant closes), vous pouvez vous inscrire ici.
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Photo: Getty Images