Alors qu’aux Etats-Unis Donald Trump veut détricoter la loi Dodd-Frank et la règle Volcker régissant le secteur financier américain depuis la crise financière de 2008, le secteur financier européen craint de littéralement “étouffer” sous les nouvelles réglementations à venir.
Tel est le constat du deuxième baromètre de la régulation financière réalisé par le cabinet de conseil indépendant français TNP Consultants qui a interrogé les financiers français sur leur perception de l’impact de la régulation sur le secteur bancaire.
L’enquête a été réalisée entre octobre et décembre 2016 auprès de 76 établissements, banques et assurances. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que les langues se délient…
Quelques éléments de satisfaction
Une perception d’amélioration de la situation par les acteurs bancaires ressort de la comparaison avec l’enquête 2015 où les banquiers avaient jugé faible la cohérence de la régulation (60 %). La maîtrise des risques de liquidité et de crédit est une vraie réussite de la régulation. Et comme en 2015, les sanctions et les risques de réputation sont les vrais vecteurs perçus de la dynamique de régulation.
Désormais, les directions de la conformité font partie intégrante des directions régaliennes de banques qui ont pris conscience du besoin de centralisation des reportings et créent également des structures transversales ad-hoc pour certaines réglementations. Le secteur financier (banque & assurance) a pris conscience de l’importance d’avoir une veille réglementaire active et continue à renforcer la conformité, les équipes de reporting et les risques.
Enfin, les thèmes prudentiels sont jugés comme majeurs en termes d’impact. Ainsi, comme en 2015, MIFID 2 est considérée comme une réforme particulièrement structurante.
Une régulation étouffante pour les BFI
« Depuis 2009, les autorités de régulation bancaire en Europe se sont multipliées. Elles ont imposé des règles incompréhensibles et ont assommé les banques de fonds propres », explique Jean-Luc Gérard, Partner chez TNP Consultants. D’une part, les banques ont été soumises à des obligations réglementaires de plus en plus lourdes : niveau de fonds propres, ratio de liquidité, ratio de ressources stables. D’autre part, l’environnement des faibles taux d’intérêt a érodé les revenus des établissements financiers. Il a fragilisé les banques, prises en étau par l’écrasement des marges d’intérêt.
« Confrontées aux exigences des régulateurs, aux obligations en fonds propres et aux taux d’intérêt bas, les banques de financement et d’investissement (BFI) européennes ont choisi de se spécialiser sur certains métiers et de se concentrer sur leurs clients nationaux », poursuit Jean-Luc Gérard. Ainsi, entre 2005 et 2015, la part de marché des BFI européennes dans la région EMEA (Europe, Moyen-Orient, Afrique) est passée de 55 % à 45 %. Mais, qui accordera des capitaux aux banques, si leur rentabilité continue de diminuer ?
Lourdeur des textes et difficultés d’application
Selon le baromètre, les professionnels de la finance trouvent les exigences réglementaires encore trop pesantes. Et pour cause : depuis 2009, les autorités de supervision bancaire se sont multipliées en Europe. Mais, en imposant des règles incompréhensibles, elles ont restreint la capacité des banques et assurances à soutenir l’économie. Avec, en prime, des contraintes liées aux réglementations (Solvabilité 2 et MIFID 2 notamment), on a alors assisté à une forme de ‘répression financière’. Sans surprise, les nouveaux thèmes sont perçus comme étant les plus complexes à mettre en œuvre.
Toujours selon le baromètre, les textes ont de plus en plus de difficultés à recueillir un consensus politique du fait de ce doute sur leur efficacité, d’où les reports de mise en application. La démonstration vient d’être faite avec Priips et MiFID 2. Ils peuvent d’autant moins recueillir un consensus qu’ils sont de plus en plus difficiles à lire. À titre d’exemple, le règlement CRR 2 représente 400 pages A4 qui font référence au texte de 2013. Même les experts se perdent dans ce dédale. Un autre enjeu se dessine au regard de l’irruption des fintech pour lesquelles la régulation ne semble pas efficace.
Vers un krach réglementaire … ou pas ?
« Allons-nous vers un krach réglementaire ? », s’interroge Guillaume Cazauran, Partner chez TNP Consultants. « Nous sommes profondément convaincus que le mouvement de régulation du Secteur Financier qui était nécessaire au vu des conséquences dramatiques des excès des années 2000 qui ont trouvé leur paroxysme avec la crise de 2008, doit trouver son point d’équilibre car on assiste à une sorte d’emballement et de sur-régulation depuis 3 ans ».
Les régulateurs doutent eux-mêmes des résultats de leurs propositions et prennent de plus en plus de précautions sous la forme de tests et de recueil d’avis de la profession avant de publier de nouveaux textes. MiFID 1 a été de ce point de vue une parfaite démonstration de l’incapacité du régulateur de prévoir les réactions des acteurs aux nouvelles règles du jeu imposées.
« La régulation de la régulation reste à inventer quel que soit le secteur d’activité d’ailleurs », conclut Guillaume Cazauran. « En attendant, le panorama de la régulation mondiale du Secteur Financier risque d’être considérablement bouleversé en 2017 et l’Europe doit en profiter et non pas subir cette transformation ».
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Crédits photo : Henrik Sorensen / gettyimages
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