Un salaire annuel à 6 chiffres dans la finance est-il compatible avec une vie privée équilibrée ? Dans la plupart des cas, la réponse est non. Comme l’indiquait Alex Edmans, ancien analyste en banque d’investissement chez Morgan Stanley devenu professeur à la London Business School après avoir quitté la finance en 2015, la majorité des carrières de premier plan exige que vous soyez avant tout passionné – et disposé à abattre de gros volumes de travail, à faire preuve d’un engagement de tous les instants et à sacrifier votre temps personnel ; trois critères qui constituent les prérequis de la réussite.
Pourtant, certains métiers de la finance – ou liés à la finance, semblent bien moins stressants et plus propices que d’autres à une relative tranquillité. Voici ceux qui semblaient tenir la corde au début de cette année :
1. Gestionnaire de portefeuille en ETF
Les trackers – ou ETF pour Exchange traded funds – sont les grands bénéficiaires de la croissance de ces vingt dernières années. Partis quasiment de rien en 1995, les actifs gérés en ETF dans le monde représentent aujourd’hui 2,4 trillions de dollars, et enregistrent chaque année une croissance à deux chiffres.
Les ETF sont des fonds indiciels émettant des actions et commerçant sur les marchés boursiers. Leur valeur sur le marché fluctue pour correspondre à celle des actifs sous-jacents de leurs portefeuilles.
Leur évolution suit généralement celle de l’un des principaux indices. Mais que font vraiment les professionnels en ETF ? Tout dépend de leur domaine d’activité dans la sphère de l’ETF, mais la niche la plus protégée semble bien être celle des gestionnaires de portefeuille.
Contrairement aux gestionnaires de fonds passifs – également perçus comme une catégorie qui se la coule douce – qui gèrent aussi des fonds suivant l’évolution des indices, les gestionnaires de portefeuille en ETF ne passent pas leurs journées à acheter et vendre des titres sous-jacents. En réalité, ils externalisent la démarche auprès de courtiers, connus sous le terme de « participants autorisés » (AP) au sein de l’ETF. Ces AP créent et échangent les actifs des ETF pour le compte de leurs clients – dont ils ont au préalable placé les titres dans le panier de l’ETF ; c’est la création et l’échange de ces actifs qui aident l’ETF à suivre précisément son indice de référence en fonction des entrées et des sorties du fonds.
Mais alors, que font donc les gestionnaires de portefeuille en ETF ? Un managing director en recherche ETF précise qu’il s’agit plus de traiter les dividendes et autres actions d’entreprise, tout en restant à jour avec la législation fiscale et la régulation, et de gérer le « fichier des composants » qui donne aux AP le contenu du panier de l’ETF. La partie la plus intéressante consiste à décider si le fonds répliquera la performance de l’indice intégralement – autrement dit suivra un indice sous-jacent en achetant les mêmes actifs, ou synthétiquement – c’est-à-dire utilisera des produits dérivés pour suivre l’indice ; ou encore à voir si l’échantillon de titres de l’ETF lui permet de suivre l’indice précisément – bien que ces décisions soient en règle générale dévolues aux équipes de développement produits ou aux avocats du fonds. « Ceci revient en réalité à poser la question : que font réellement les gestionnaires de portefeuille ?», indique un commercial en ETF.
Simple ? Pas si sûr… Si le poste de gestionnaire en portefeuille semble correspondre à une sorte d’administrateur de haut vol, c’est un plus compliqué qu’il n’y paraît. D’abord, l’apparente simplicité du job induit qu’un gestionnaire de portefeuille en ETF doit gérer une multitude de portefeuilles. C’est ainsi que quatre gestionnaires peuvent facilement travailler sur 40 fonds. Ensuite, cela peut se révéler compliqué : gérer les additions à l’ETF nécessite une bonne connaissance des règles en vigueur pour différents clients et différents marchés.
Cela ne tient pas qu’aux ETF, la plupart des postes en gestion de fonds passifs sont considérés comme assez simples vus de l’extérieur. « La gestion passive doit être le job en finance le moins stressant », déclare un gestionnaire de fonds senior au sein d’un fonds (actif) britannique, qui poursuit : « prendre une information à une source pour la rentrer dans une machine en fonction d’un certain nombre de règles ne doit pas être bien stressant ».
Pour Amin Rajan, du cabinet de recherche en gestion d’actifs Create Research, c’est bien moins évident qu’il n’y paraît… « Les postes de gestionnaires passifs et ETF sont certes moins exigeants que ceux de leurs collègues actifs, mais ils ne sont pas pour autant dénués de stress » confie-t-il. « Les fonds sous leur responsabilité représentent des montants limités, mais laissent peu de place à la fantaisie. Ils sont soumis à divers risques, tels que l’oscillation et la concentration, qui peuvent être dévastateurs pour un portefeuille. Ils font aussi appel à la prise de décision…. Ces fonds sont loin d’être aussi basiques qu’ils en ont l’air. »
2. La vente de crédit
Si la gestion de portefeuille en ETF et la gestion de fonds passive sont exemptes de stress, que dire de la vente de crédit ? Un trader londonien se plaint que « ces mecs n’en fichent pas une rame » et assène : « ils passent leur temps à déjeuner et dîner avec les clients et à prendre des commandes. Une vie de rêve ».
Facile de voir les raisons de sa réaction : alors que les investisseurs recherchent du rendement, les produits de crédit haut de gamme s’arrachent comme des petits pains. Vu l’engouement des investisseurs pour les obligations américaines et européennes de qualité, leur vente s’apparenterait presque à une distribution de fraises Tagada dans une cour d’école.
Voilà qui pourrait pourtant changer à la faveur d’une hausse des taux d’intérêt. Pour l’instant, néanmoins, les commerciaux sont confrontés à d’autres problèmes, à mesure qu’ils sont remplacés par des systèmes automatisés et redirigés vers les principaux clients. Les prémices d’une disparition ? « Pas assez rapide » au goût de notre trader.
3. L’origination de la dette en Europe
L’origination de la dette des marchés de capitaux (DCM) ne fait pas exception à la règle qui prévaut pour les autres commerciaux. Les banquiers DCM viennent de vivre une année un peu spéciale, en particulier en Europe et au Moyen-orient (EMEA), où les investisseurs, la Banque Centrale Européenne et la Banque d’Angleterre se sont arraché les meilleures obligations d’entreprise. Grâce à cette heureuse conjoncture, l’émission de la dette en EMEA a atteint le deuxième record de son histoire (après 2009) durant les neuf premiers mois de 2016. Quoi de plus simple ?
4. Les recruteurs intégrés aux banques
Si persuader les entreprises d’émettre de la dette que tout un chacun est prêt à acheter paraît trop éprouvant, que dire de travailler pour la structure de recrutement d’une banque et d’approcher des profils correspondant aux postes les plus prisés et les plus stratégiques ?
La plupart des banques disposent aujourd’hui en interne de consultants chargés de « chasser » les cadres. On ne compte plus les chasseurs de tête indépendants dénonçant la façon de faire de ces équipes – allant jusqu’à les traiter d’incapables faisant fuir les meilleurs candidats.
Les recruteurs intégrés aux banques gagnent certes moins que ceux qui travaillent en cabinets, mais ils ont la vie bien plus facile. A titre d’exemple, le nombre de nouveaux candidats à un job en banque à Londres était il y a quelques mois encore, près de deux fois supérieur au nombre de nouveaux postes à pourvoir, les deux se chiffrant en dizaines de milliers.
Quoi de plus simple, dans ces conditions, que d’approcher quelqu’un pour lui proposer un job chez un acteur majeur du secteur ?
5. Divers postes sous-utilisés au sein des entités délocalisées… pour l’instant
Un ancien directeur informatique d’une banque européenne déclarait il y a quelque temps que beaucoup de gens travaillant dans une entité délocalisée – comprenez Birmingham ou Varsovie – vivaient dans des conditions relativement exemptes de stress. Une raison à cela : leurs managers restés à Londres s’accrochent à leurs bonnes vieilles habitudes et n’ont pas l’intention de redistribuer le travail. Selon lui, « les sites les plus générateurs de coûts tentent de garder la main » ; « lorsque vous discutez avec les employés des entités délocalisées, ils se déclarent généralement prêts à en faire plus, mais on ne leur confie pas les responsabilités qui leur ont été promises ».
La situation pourrait être amenée à changer dans la mesure où les effectifs les plus coûteux pour les banques, toujours basés à Londres, voient – bien contre leur gré – leur pouvoir se réduire comme peau de chagrin. Dans l’immédiat néanmoins, les bureaux en zones dites ‘low cost’ s’en tiennent à suivre les instructions – ce qui en fonction de chacun, peut être source de stress ou de sérénité.
6. Toutes les activités liées aux investissements d’infrastructure
Enfin, vous pourriez envisager de rejoindre l’investissement en infrastructures. Les changements politiques en cours ne laissent guère de doute : le secteur reviendra certainement sur le devant de la scène. Il y a moins d’un an, Deutsche Bank se faisait l’écho durant la campagne présidentielle américaine, via sa publication-maison Konzept Magazine, de la volonté des candidats d’investir au bénéfice des infrastructures. Du fameux trillion de dollars annoncé par le président américain pour 2018 aux tendances apparues durant la campagne présidentielle en France, en passant par les nouvelles mesures européennes, le message est clair : l’investissement dans les infrastructures est à l’ordre du jour. Ce type d’investissement présente deux avantages : le long terme et le volume – deux caractéristiques suffisantes pour éliminer tout risque de stress dû aux complications du quotidien. L’idéal donc…
Crédit photo : Getty Images
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