Le conseil financier se porte bien. Le cabinet américain Duff & Phelps, qui est intervenu sur le sauvetage des banques US et sur la plus grande opération de restructuration de tous les temps, à savoir la faillite de Lehman Brothers, compte désormais 1.000 collaborateurs dans le monde et continue son développement notamment en France, où il est implanté depuis 2007.
Nous avons interrogé Marc Mélou, qui a rejoint le bureau parisien voilà 8 mois en qualité de Managing Director pour y développer une offre dédiée au secteur financier en France et en Europe. Cet ancien banquier d’investissement, doté de plus de 25 années d’expérience au sein de l’industrie financière, nous donne sa vision des enjeux, des risques et des opportunités pour le secteur. Il lève également le voile sur les ambitions de développement et de recrutement de la firme américaine en France avant d’expliquer les moteurs de sa venue chez Duff & Phelps après 9 ans passés chez Société Générale.
Parlez-nous de ce que vous êtes en train de développer depuis votre arrivée chez Duff & Phelps en octobre dernier ?
Je me suis attachée à élargir notre offre de conseil auprès des acteurs de l’industrie financière en France mais aussi en Belgique et en Grèce où nous avons un partenaire local. Nous aimerions également développer nos services sur le marché espagnol, mais il reste a définir le dispositif adéquat. Cette offre inclut la valorisation des entreprises du secteur financier au sens large, de leurs actifs incorporels (marque, clients…) et des actifs financiers complexes, dans un cadre purement comptable (notamment IFRS3) ou dans un contexte de vente ou d’achat.
Nous travaillons aussi beaucoup sur le conseil en restructuration pour des situations spéciales c’est-à-dire des interventions de soutien des États avec l’accord de la Commission européenne, comme la restructuration du groupe Dexia par exemple. Nous intervenons également sur les prix de transferts et de manière plus générale sur les problématiques de valorisation fiscale. Enfin, nous pouvons apporter un conseil purement financier en appui des cabinets d’avocats en cas de litiges.
Vous venez de recruter Enguerran de Crémiers doté de 9 ans d’expérience en cabinets d’audit (Deloitte puis PwC) en tant que Vice-President. Quelles sont vos ambitions d’embauches pour cette équipe naissante ?
À Paris, l’équipe de Duff & Phelps regroupe au total déjà près d’une cinquantaine de collaborateurs dont une quarantaine de consultants expérimentés et sept Managing Directors. Nous souhaiterions, tout comme aux Etats-Unis, que l’équipe dédiée à l’industrie financière puisse apporter un quart de notre chiffre d’affaires sur la France. Nous sommes aujourd’hui 2 consultants seniors mais nous devrions bientôt recruter.
Nous espérons que d’ici deux à trois ans, nous aurons embauché entre 5 et 10 nouveaux consultants, surtout à un niveau VP mais aussi des juniors avec un à deux ans d’expérience. Les parcours qui nous intéressent sont ceux de financiers passés par des Big Four ou des filières financières ou de gestion des risques de banque et les professionnels issus d’une société de conseil spécialisée auprès des institutions financières.
Arrive-t-on à l’épilogue des plans sociaux dans le secteur bancaire français ?
La vague de réglementation en cours va continuer globalement à alimenter le downsizing des banques d’investissement de « tier 2 ». Il y a certainement encore de difficiles décisions à prendre du côté des banques françaises sur les activités de capital market.
De manière générale, se pose la question 1 – des activités pour lesquelles ces banques sont dépourvues d’une dimension et d’une ambition globale (fixed income, M&A…) ; 2- des activités non-essentielles pour les clients des banques qui sont remises en question par l’opinion (comme le trading pour compte propre, les produits fiscaux, les produits de crédit qui rappellent la crise financière, …).
Par ailleurs, le projet de loi bancaire en France affectera probablement les quelques métiers très spécialisés qui seront interdits ou filialisés (trading des matières premières agricoles, trading pour compte propre, déjà cité, trading haute-fréquence). Je pense néanmoins que les suppressions d’emplois importantes menacent désormais davantage la banque de détail que les BFI.
Enfin, les filiales de gestion des grandes banques françaises affichent encore un train de vie un peu trop élevé par rapport à leurs concurrentes étrangères. Afin de relever les niveaux de rentabilité, des efforts devraient être théoriquement consentis aussi au sein de ces activités.
Reste-t-il quelques lueurs d’espoirs pour les professionnels du secteur ? Certains peuvent-ils tirer leur épingle du jeu ?
Les nouvelles contraintes réglementaires ont certes pour conséquence d’affecter les activités de capital market, mais cela se fait au profit des activités de corporate banking. La désintermédiation croissante, et donc le recours croissant aux marchés financiers par les entreprises pour se financer, conduit les banques à renforcer leurs équipes de vente et de conseil dans les émissions corporate notamment. Les professionnels qui couvrent les clients de l’industrie financière, en particulier les assureurs, peuvent être également sereins.
De manière générale, les fonctions liées à la compliance, la gestion et le contrôle des risques continuent d’être renforcées dans l’industrie financière, du fait notamment d’une demande accrue de transparence de la part des actionnaires, des régulateurs, et des banques centrales voire des gouvernements. Les banques vont devoir résoudre ce problème de défiance générale à leur égard, ce qui induit des enjeux de communication. Il y a probablement des cellules de communication de crise qui vont survivre voire être appelée à se développer. Enfin, l’informatique bancaire est en train de faire son retour grâce à la nécessaire traduction des nouveaux enjeux liés au réglementaire et au marketing.
Vous êtes passé d’une grande d’investissement comme SGCIB à un cabinet certes global mais où la marque est encore à construire en France, pourquoi ce choix ?
Ce pas, qui peut paraître difficile à franchir, n’a pas été aussi compliqué pour moi du fait que j’avais connu le conseil avant de rentrer dans la banque. Surtout, le choix de Duff & Phelps associe le meilleur des deux mondes : une société internationale reconnue avec des process et des guidelines établis et un challenge entrepreneurial qui consiste à développer une nouvelle activité et miser sur un nouveau marché.
Que diriez-vous aux banquiers tentés de vous emboîter le pas ?
La dimension très artisanale de ce type de cabinet implique la maîtrise d’Excel et l’élaboration de présentation Powerpoint ! Ce qui peut potentiellement dérouter certains banquiers expérimentés habitués aux facilités qu’offrent les grands groupes… Je ne crois pas cependant que la charge de travail et les heures que l’on fait dans le conseil soient supérieurs à ceux effectués dans la banque, contrairement à ce qui se dit parfois. En revanche, le contact avec le client y est privilégié. Ce qui nécessite un bon relationnel – subtile parfois -, un esprit analytique et organisé, et de l’humilité. La différence également entre nous et une BFI ou un Big Four, c’est qu’un jeune qui intègre notre structure verra son premier client 3 mois plus tard, pas dans 4 ans…
LIRE AUSSI :
Chute de 20% du nombre de traders en France en un an
Les CV rêvés des chasseurs parisiens
La personnalité idéale pour travailler dans le secteur bancaire
