Francfort et Paris ont toujours été de formidables viviers de talents pour les banques d’investissement de la City de Londres. La plupart des recrues sont de jeunes diplômés désireux de démarrer leur carrière à Londres. Pour cela, certains font d’abord le choix de travailler dans une grande banque d’investissement en France ou en Allemagne (ex: chez Goldman Sachs) pour ensuite avoir plus de chances de se faire embaucher à la City dans un établissement comme Société Générale ou Unicredit.
Cependant, la demande d’analystes et associés dans les fusacqs et les marchés actions est telle que les banques d’investissement Tier One accordent désormais des mandats à des chasseurs de têtes dans les centres financiers européens afin qu’ils dénichent des banquiers juniors pour des postes à pourvoir à la City. Si bien qu’il est désormais possible de passer directement d’une banque comme Commerzbank à Francfort à Morgan Stanley à Londres.
Pénurie de compétences
“La pénurie de compétences chez les banquiers d’investissement juniors est paneuropéene, explique Dirk Albütz, chasseur de têtes chez Fibance à Francfort, qui a justement été mandaté par une banque américaine basé à Londres. La City a longtemps été un pôle d’attraction pour les jeunes banquiers associés qui cherchent à accélérer leur carrière, et jusqu’il y a peu les banques les recrutaient en direct, mais désormais cela ne suffit plus, il y a pénurie de talents“.
Et la tendance n’est pas prête de s’inverser : Thierry Carlier-Lacour, directeur associé de Traditions & Associés Executive Search Consultants, observe “un recentrage très fort des BFI en faveur de Londres“. Mieux encore : “les clients “corporate” eux-mêmes se relocalisent à Londres, les avocats et autres conseils suivent également leurs clients à Londres“, explique Diane Segalen, co-fondatrice du cabinet parisien Segalen+Associés qui depuis l’an dernier dispose d’une antenne… à Londres.
Que ce soit sur les marchés de capitaux ou les M&A, le mouvement est général, et concerne tous les niveaux de séniorité y compris les plus “capés” comme en atteste la nomination de David Azéma, directeur général depuis 2012 de l’Agence des participations de l’Etat français, chez BoA Merrill Lynch à Londres, ou bien celle de Luc Frieden, l’ancien ministre des Finances du Luxembourg à la Deutsche Bank à Londres.
Traitement de faveur
Dans un tel contexte, guère étonnant que pour attirer les juniors, les banques d’investissement s’efforcent d’augmenter les salaires et d’améliorer les conditions de travail. Elles n’hésitent d’ailleurs pas à recruter à tour de bras dans leurs graduates programmes comme BoA Merrill Lynch qui a embauché 40% de stagiaires en plus cette année.
Et la hausse enregistrée cette année dans les fusacs et les marchés de capitaux amène les banques à batailler fermement entre elles pour trouver les juniors à même de faire face à la charge de travail. Les activités ECM ont atteint un niveau record 693,3 mds de dollars sur les neuf premiers mois de l’année dans le monde tandis que les M&A ont été en hausse de 31% par rapport à l’an dernier, dépassant des niveaux jamais atteints depuis la crise de 2008.
“Nous sommes à la recherche en Europe continentale de banquiers d’investissement juniors”, confirme Ross Stokes, chasseur de têtes en M&A et private equity chez Circle Square à Londres. Les recherches incluent la France, l’Allemagne et même l’Espagne ! Les grandes banques de la City n’excluent plus désormais des candidats issus de Jefferies ou Commerzbank en Allemagne ou en Suisse“.
“Les candidats doivent cependant avoir travaillé sur des méga-deals dans leurs pays respectifs“, prévient Ross Stokes. La pénurie actuelle de talents fait que de nombreux chasseurs de têtes européens ont peu de candidats dans leurs filets, et en viennent à refuser des mandats potentiellement lucratifs de banques d’investissement à Londres. “J’ai dû refuser deux mandats parce qu’il n’y avait aucune chance de pourvoir ces postes. Les candidats de ce niveau sont si rares à Londres que les banques à Londres recrutent des chasseurs de têtes depuis Francfort“, explique Sabrina Tamm du cabinet de chasse allemand Financial Markets. Autres temps, autres mœurs.
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