Attirer et retenir les jeunes diplômés constitue peut-être le plus gros défi des banques d’investissement aujourd’hui face à des concurrents toujours plus nombreux (cabinets de conseil, startups, géants du web…). Après plusieurs années de crise et la montée en force du digital, les établissements financiers ont plus que jamais besoin de se reconnecter avec ces « digital natives », en bref la génération Y.
Pour cela, SocGen croit avoir trouvé un outil imparable avec la mise en place de son nouveau Junior Programme. A priori, on pourrait penser à une simple fantaisie linguistique pour nommer ce que ses concurrentes appellent couramment un « graduate programme », une intégration extrêmement sélective des jeunes diplômés dans les activités les plus élitistes de la banque d’investissement, et à qui la banque réserve toutes les attentions pendant généralement 2 ans.
Un « programme pour tous »
Pour Société Générale, ce modèle a vécu. Elle-même l’avait un temps adopté pour la crème de la crème de ses jeunes recrues internationales dans les activités de front office de sa BFI, puis la crise est passée par là. Stoppé puis relancé sous une formule plus ‘light’ (sans engagement de rotations géographiques notamment), le graduade programme réapparaît donc en 2014, mais cette fois sous une forme complètement différente, plus démocratique et plus 2.0.
Le nouveau Junior Programme version SocGen ne s’adresse plus seulement à quelques « happy few » Share on twitter mais à l’ensemble des jeunes diplômés qui rejoignent n’importe où dans le monde sa division Banque de Grande Clientèle et Solutions Investisseurs (Global Banking & Investor Solutions –« GBIS »), qui emploie près de 20.000 personnes dans la banque de financement et d’investissement, la gestion d’actifs, la banque privée et les métiers titres. L’enjeu est de taille puisque 60% des recrutements externes de cette division sont réalisés sur des profils juniors (analysts et associates), sans que la banque souhaite en préciser le volume. Les chiffres de recrutements pour 2015 communiqués par la banque, portant sur l’ensemble du groupe, sont en forte hausse et à la faveur des jeunes, d’après les prévisions annoncées en septembre. Les embauches dans la banque de financement et d’investissement devraient, eux, rester stables l’an prochain par rapport à 2014.
Au lieu de cibler les seuls métiers de front office de la banque d’investissement, Société Générale a donc décidé de bichonner d’autres profils traditionnellement exclus de ce type de programme – et dont elle a cruellement besoin. « La digitalisation et la désintermédiation des marchés sont au cœur de nos priorités. Cela se traduit dans les recrutements et l’accompagnement que nous souhaitons également donner aux profils formés sur les systèmes d’information, la réglementation, ou encore les risques », confie Hugues Fourault, responsable mondial adjoint des ressources humaines pour la division GBIS.
SocGen n’est pas le seul établissement bancaire à vouloir séduire ces profils, qui en réalité ont les faveurs de tous les recruteurs du secteur. Chez SGCIB, une recherche sur son site carrière indique que les fonctions IT/project management tous niveaux d’expérience confondus représentent – à elles seules – plus d’un quart (27%) du total des offres à pourvoir en ligne.
La technologie au service du networking en interne
En démocratisant son accompagnement des jeunes dip, SGCIB ne prend-t-elle pas le risque d’en baisser la qualité ? La banque parle au contraire d’un « accompagnement renforcé durant les deux premières années de CDI », tout en disant « avoir privilégié la mobilisation des équipes RH et des managers à des investissements significatifs sauf sur la formation ».
À l’instar des graduate programmes classiques, le « Junior Programme » de SG offre un plan d’intégration, des formations, des conférences, des workshops pour découvrir les métiers de la banque. « Ce qui nous distingue surtout c’est d’une part le périmètre mondial et ouvert à tous les métiers de GBIS et d’autre part la composante networking via le Junior Programme Live, une plateforme d’échange entre tous les Juniors du groupe dans le monde », explique Matthieu Coquel, en charge du Junior Programme chez Société Générale. Une initiative qui sert à développer l’interdisciplinarité et l’innovation. Ce forum de discussion 2.0 sert aussi à la banque de vecteur d’information sur les évènements organisés à l’attention exclusive de ces juniors, y compris présentiels comme les « random lunches » destinés à faire rencontrer ces débutants entre eux autour d’un déjeuner, ou encore à délivrer des conseils carrière, à diffuser des conférences en live, des articles business…
Attaché malgré tout à la dimension méritocratique, le groupe français a mis en place pour un plus petit nombre un système de mentoring. Au total 150 mentors dans le monde entier ont accepté de suivre chacun un seul junior, sélectionné dans une autre entité que la leur, et ce à raison d’une rencontre minimum par mois, pour au moins un an.
La suite du Programme « GeneratioNext »
Le Junior Programme est de fait une prolongation du programme « GeneratioNext » lancé en 2013 à l’échelle mondiale à destination de tous les stagiaires, alternants et VIE de la division GBIS, et par conséquent aussi à ceux qui n’intégreront pas nécessairement la banque en CDI.
« Ces débutants constituent une source précieuse pour notre recrutement : 50% des embauches d’analysts et d’associates proviennent de ce pool de candidats ; plus de la moitié de nos VIE sont recrutés en CDI, énumère Hugues Fourault. Nous pensons qu’il faut savoir attirer par la preuve : un stagiaire bien accompagné saura en parler positivement à ses pairs, sur les réseaux sociaux… Et cela va aider à changer l’image que les jeunes peuvent avoir des carrières en banque ».
Alors qu’un certain nombre de banques d’investissement, anglo-saxonnes principalement, misent sur la revalorisation salariale des juniors et une amélioration de leurs conditions de travail, la stratégie d’un accompagnement “universel” et 2.0 va-t-elle être à la hauteur des attentes des jeunes diplomés ? La dernière étude conjointe d’Universum et de Deloitte montre que la rémunération et le prestige de l’établissement sont les éléments d’attractivité auxquels ils sont le plus sensibles.
Sans parler de pont d’or, SGCIB assure traiter ses jeunes dip. au prix du marché – soit à Paris une fourchette comprise entre 35 et 45 k€ de fixe pour les métiers de front office. En attendant les premiers résultats pour communiquer sur un bilan, l’établissement préfère croire davantage au pouvoir de l’expérimentation, de la connectivité, et de la pédagogie, y compris sur le terrain avec notamment 220 ambassadeurs managers, intervenant dans les écoles où la banque recrute, pour parler de ses métiers… et de son Junior Programme.