Vous êtes féru d’art et souhaitez faire carrière dans la finance ? Sachez que ces deux mondes ne sont pas si éloignés qu’ils pourraient le paraître à première vue. Etats-Unis, Suisse, Luxembourg : partout les initiatives visant à rapprocher ces deux univers se multiplient. Le fonds d’investissement Carlyle et la banque privée suisse Pictet ont ainsi annoncé en octobre la création de la société financière Athena Art Finance, une solution de prêt innovante d’œuvres d’arts. Doté de 280 millions de dollars et basé à New York, cet établissement de crédit d’un nouveau type permettra aux family offices, collectionneurs et amateurs aux revenus élevés de ne plus avoir à gager leurs biens personnels pour obtenir un crédit en vue d’acquérir un tableau ou une pièce de prix, grâce à des financements d’au moins un million de dollars sur des durées allant de 6 mois à 7 ans.
Les ports francs pour œuvres d’art et objets de valeur sont également un créneau en plein essor : les achats comme les ventes d’œuvres y étant exemptes de TVA, l’avantage est de taille pour les collectionneurs spéculateurs. D’ailleurs, c’est l’un d’entre eux, le Freeport basé à Luxembourg, qui vient de lancer officiellement fin octobre la Luxembourg Art Law and Art Finance Association (Lafa), une association à but non lucratif destinée à servir de support pour les banquiers privés, juristes et promoteurs de fonds d’investissement, qui ne savent pas toujours comment aborder l’art en tant que classe d’actifs. « Nous sommes d’avis que le Luxembourg peut devenir le centre de compétences européen dans le secteur d’art et finance », a déclaré son président Alain Mestat, précédemment Senior Vice President chez Banque Privée Edmond de Rothschild Europe.
L’intérêt des gestionnaires de fortune pour l’art, dont la clientèle Ultra High Networth Individuals (UHNI) concentre 15% de ses actifs, est évidente. Pour preuve, la Fondation pour le droit de l’art et le Centre de droit bancaire et financier de l’Université de Genève organisent depuis 2014 un cycle de conférences consacré au thème Art Finance & Law à Londres et Genève. Le but est d’examiner la tendance croissante à considérer l’art comme une forme d’investissement financier, voire une classe d’actifs particulière.
Un marché qui reste à développer
« Le marché de l’art mondial de plus de 3000 milliards de dollars est l’un des marchés de taille conséquente les moins développés et les moins sophistiqués sur le plan du financement », explique Olivier Sarkozy, responsable mondial des services financiers de Carlyle (et demi-frère de l’ancien président français Nicolas Sarkozy). « Pendant trop longtemps, les collectionneurs d’art et autres intervenants du marché ont été confrontés à des choix de financement limités quand ils voulaient emprunter pour acquérir une œuvre d’art », ajoute Andrea Danese qui, après 20 ans passés dans les financements structurés, a co-fondé Athena Art Finance.
Bénéficiant d’un marché mondial en pleine expansion, l’art attire de plus en plus l’attention en tant que classe d’actif, ce qui favorise l’émergence d’un nouveau type de services professionnels dans ce domaine et dans le secteur financier. Désormais, 53% des gestionnaires de fortune et 57% des family offices interrogés ont tout à fait conscience de la place croissante des œuvres d’art comme classe d’actifs. Il s’agit là de l’une des principales conclusions du volumineux rapport Art & Finance réalisé par le cabinet d’audit et de conseil Deloitte Luxembourg et le cabinet spécialisé dans l’analyse du marché de l’art ArtTactic auprès de 35 banques privées (principalement en Europe), 14 family offices (principalement aux Etats-Unis), 122 professionnels de l’art (galeristes, commissaires-priseurs, conseillers artistiques…) et 90 collectionneurs.
Des professionnels à la pointe
Mais être un spécialiste financier en art ne s’improvise pas. C’est pourquoi il existe des formations dédiées. En France, l’Inseec propose un 3e cycle spécialisé dans le marché de l’Art avec au programme des cours sur la gestion patrimoniale artistique, l’expertise et le courtage ou bien le droit et la fiscalité du marché de l’art. « Les stratégies de placement en termes financiers deviennent de plus en plus importantes, développant l’activité du courtage qui en découle », explique Anne Thoumyre, directrice de programme du Master of Science en Marché de l’Art et Négociation à l’International. Il est également possible d’étudier à l’étranger, par exemple à Londres où Sotheby’s Institute of Art qui propose un Master Art Business ou bien en Suisse où l’Université de Zurich a lancé un Master of Arts in Banking and Finance.
Enfin, les financiers férus d’arts devront être au fait des dernières nouveautés technologiques et digitales, comme par exemple les plateformes de négoce d’œuvres d’art B2B et entre particuliers. « Les nouvelles plateformes de négociation en ligne ajoutent de la liquidité au marché de l’art et viendront enrichir les données disponibles dans ce domaine, ce qui permettra d’avoir une plus grande transparence et d’améliorer la précision des évaluations des œuvres », explique Thierry Hoeltgen, partner et co-leader du service Art & Finance de Deloitte Luxembourg. Qui a dit que l’art était ringard ?
Illustration : Deloitte