Il s’est passé beaucoup de choses cette semaine depuis la publication lundi des Panama papers faisant référence à la fuite de plus de 11,5 millions de documents confidentiels issus du cabinet d’avocats panaméen Mossack Fonseca, et détaillant des informations sur plus de 214.000 sociétés offshore. Ces documents qui ont mis en lumière le rôle trouble de la Société Générale qui, malgré ses engagements à ne plus travailler avec les paradis fiscaux opaques, apparaît pourtant dans le top 10 des banques utilisant les services de Mossack Fonseca.
D’après le document, SocGen compte à son actif 979 sociétés offshore, immatriculées par le cabinet d’avocats panaméen, derrière la britannique HSBC (2.300 sociétés), les suisses UBS (1.100 sociétés) et Crédit Suisse (1.105 sociétés), toutes trois poursuivies dans des scandales de fraude fiscale. La SogGen a aussitôt réagi dans un communiqué en précisant qu’à ce jour, « le nombre de structures actives créées par l’intermédiaire du cabinet Mossack Fonseca pour les clients est de l’ordre de quelques dizaines » et que « ces sociétés sont gérées comme des structures totalement transparentes ». Voici donc le récapitulatif des répercussions concrètes que cette affaire a déjà entraîné sur la banque de la Défense et ceux qui y travaillent :
Les filiales luxembourgeoise et suisse aux premières loges
Le Monde rappelle que dans le cas de la Société générale, deux tiers de ces entités offshore ont été créées par sa filiale SG Bank & Trust Luxembourg, qui a choisi d’en domicilier une bonne partie dans les paradis fiscaux des Seychelles et des îles Vierges britanniques. Le tiers restant a été commandé par la SG Private Banking Genève, qui les a enregistrées au Panama, et par sa filiale des Bahamas, la SG Hambros Bank & Trust.
Le top management de la banque auditionné
Premiers à faire les frais de l’affaire des Panama papers : les dirigeants de la SocGen. Le ministre des finances Michel Sapin les a reçus à Bercy pour avoir des explications avec eux. « J’ai apporté au ministre toutes les informations qu’il souhaitait et je lui ai confirmé que la banque et ses équipes sont évidemment à la disposition permanente des régulateurs pour toutes les vérifications auxquelles ils voudraient procéder », indique le directeur général de la banque Frédéric Oudéa, dans un entretien au Figaro. « Et j’ai rappelé à Michel Sapin que la Société générale ne détient plus aucune société ni à Panama, ni dans les États non coopératifs, et que notre groupe a mené depuis 2010 un travail en profondeur ».
Certes, l’Etat français n’a pas intérêt à déstabiliser une grande banque comme la SocGen, mais il ne peut pas non plus se contenter de rester les bras croisés et pourrait décider de renforcer ses contrôles anti-blanchiment sur les banques. D’autant plus que l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) a elle aussi réagi. « Nous avons demandé aux banques françaises de faire un reporting complémentaire de leurs activités dans les pays considérés comme des paradis fiscaux», a déclaré jeudi à l’AFP un porte-parole de l’ACPR. Ce qui concrètement, en termes de recrutement, pourrait amener la SocGen et les autres banques à recruter des spécialistes anti-blanchiment afin de satisfaire aux exigences des régulateurs.
Le service com’ en pleine effervescence
Il va sans dire que ça n’a pas chômé cette semaine au service communication de la banque qui a multiplié les interviews de ses dirigeants avec les médias et diffusé de nombreux communiqués de presse : l’un publié lundi où elle réagit à l’affaire, un autre publié le même jour où elle rappelle sa position sur la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, un troisième publié mardi où elle réagit à un article paru dans Le Monde, un quatrième publié jeudi où elle engage des poursuites judiciaires en diffamation. C’est peut-être le bon moment pour les spécialistes en communication de crise d’aller proposer leurs services à la banque….
Des syndicats inquiets sur le sort des salariés
Les salariés «sont et seront une fois encore en première ligne pour subir, à la place des vrais responsables, l’indignation légitime des clients et plus largement du public», a indiqué dans un communiqué le syndicat CFDT de la Société générale, deuxième force syndicale du groupe. Evoquant des «dérives des dirigeants», l’organisation réclame «un changement des règles de gouvernance et de la stratégie de Société générale» pour sortir «l’entreprise de son manque de transparence qui a facilité la fraude et la tricherie».
En attendant, certains salariés de la banque en mesurent déjà les conséquences dans leur travail au quotidien. Une trentaine de militants d’Attac ont ainsi bloqué jeudi l’accès d’une agence de la Société Générale, près du métro Bourse à Paris, pour dénoncer l’organisation industrielle de l’évasion fiscale.
Et pour finir, Jérôme Kerviel revient à la charge
«On fait mine de découvrir aujourd’hui quelque chose qui était su de tout le monde depuis des années», a assuré l’ancien trader sur France Info, indiquant que la succursale luxembourgeoise Société Générale Bank and Trust « est une filiale par laquelle, sur certaines activités de trading, on passait à l’époque aussi». La banque a aussitôt annoncé qu’elle allait poursuivre en diffamation son ex-employé Jérôme Kerviel et son avocat Me David Koubbi, jugeant qu’ils ont tenu des propos «calomnieux» à son encontre en déclarant qu’elle était «multirécidiviste des infractions».
L’affaire a également pris une tournure politique, avec la déclaration du dirigeant du Parti de Gauche Jean-Luc Mélenchon qui a affirmé jeudi matin sur France Info que les dirigeants de la banque étaient des «menteurs» qui devaient «être châtiés». Lui aussi sera poursuivi en diffamation pour la banque. Affaire à suivre de près…
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