Un an après avoir quitté son poste en banque d’investissement pour lancer une application mobile, Nick von Christierson était prêt pour son premier gros pitch. Vêtu d’un élégant costume et armé d’une présentation PowerPoint inspirée par son passage chez Greenhill, il se dirigeait à grandes enjambées vers un immeuble de bureaux de l’Upper East Side à New York, …pour rejoindre une salle d’attente pleine de bébés hurlants !
La raison ? Un rendez-vous avec le Dr. Jennifer Trachtenberg, pédiatre bien connue aux Etats-Unis, afin d’obtenir la caution médicale – doublée de celle d’une ‘célébrité’ – pour une application baptisée Baby Bundle, un guide pratique destiné aux jeunes parents en mal d’expérience.
« Je l’ai appelée spontanément, à l’improviste, et me suis arrangé pour la rencontrer à New York à mon retour de Londres », raconte Nick. « Je perdais pied, j’étais ultra nerveux et je ressemblais à un vrai bouffon dans mon costume. »
Jennifer Trachtenberg a été emballée par l’idée, et Baby Bundle est d’abord sortie aux Etats-Unis, où elle a depuis été téléchargée 165.000 fois.
C’était en 2014, le point culminant d’un pari osé pour Nick et son frère Anthony, qui avaient tous deux quitté leurs postes en banque d’investissement un an plus tôt. Nick avait travaillé pour la division fonds d’investissement de Greenhill, tandis qu’Anthony sortait de trois ans dans la division M&A de Goldman Sachs.
« Au début, c’était un peu gênant pour nos parents. Les gens qui s’intéressaient à notre parcours en finance leur demandaient des nouvelles, et eux devaient répondre que nous étions partis pour développer une appli pour jeunes parents », raconte Nick.
A l’époque, il avait 28 ans et pas d’enfant. Sa démarche n’était donc en rien motivée par son expérience et ses frustrations de jeune père, mais plus prosaïquement par l’identification d’un créneau non exploité sur le marché.
« Rien n’existait à l’époque qui soit capable de fournir tout à la fois des informations sur les horaires des tétées, les problèmes médicaux ou les astuces pratiques », raconte-t-il. « J’avoue que cela n’avait rien d’une vocation – au début, j’avançais à tâtons et j’apprenais. Mais le fait de ne pas avoir d’enfant m’a permis de voir les choses objectivement. »
Nick était confronté à la fameuse crise de carrière qui touche bon nombre de banquiers d’investissement après quelques années passées dans la finance – faites avec ou commencez à regarder les options de sortie. Il envisageait de passer un MBA à la Columbia Business School et de voir ensuite les opportunités qui se présenteraient. Manque de chance, un score insuffisant au GMAT ne lui a pas permis d’intégrer le cursus. C’est alors qu’il a décidé de se lancer avec son frère dans le projet Baby Bundle.
En premier lieu, il fallait réunir un peu de capital – dans un premier temps 250k £, soit environ 320k €, levés au sein de leur cercle d’amis. Sachant qu’aucun des deux frères ne disposait de connaissances en informatique, le montant fut utilisé à des fins de développement. Suite au succès rencontré sur le marché américain, une nouvelle levée de fonds a rapporté 1,2 million de livres, soit 1,5 million d’euros. Baby Bundle a également été lancé au Royaume-Uni, où l’application est désormais partenaire de Mumsnet, le réseau britannique préféré des parents.
Mais qu’est-ce qui a bien pu motiver Nick à quitter la finance ? Retour sur l’été 2009, alors qu’il effectue un stage au sein du fonds immobilier de Morgan Stanley ; il est témoin par hasard de la brutalité des procédés en banque d’investissement, au moment où la banque commence à licencier nombre de titulaires. En bref, « les seniors dégageaient dans tous les sens à mesure que les marchés dévissaient ».
Mais bien plus que la crainte d’un licenciement ou le fait d’exercer dans un secteur à la gâchette facile, c’est le désir de ne pas se retrouver englué dans une carrière toute tracée qui l’a motivé à quitter la finance.
Un raisonnement qu’il exprime très clairement : « je savais que si je restais, j’enchaînerais sur des postes de VP puis de directeur ; c’était comme si je voyais mon avenir en regardant les gens avec qui je travaillais, et je ne voulais pas de ça. » Avant de conclure : « il y a une pression culturelle qui nous pousse à décrocher un poste à forte rémunération, et la finance offre de bonnes perspectives dans ce contexte. Le plus dur quand on veut se lancer, c’est le premier pas – et la découverte de l’inconnu. »
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Crédit photo : CreativaImages/iStock/Thinkstock