La réponse à apporter à cette question est claire et limpide : les banques et les recruteurs qui font leur travail consciencieusement dès lors qu’il s’agit de recruter un candidat auront toujours recours à une vérification approfondie de ses antécédents qui mettre en exergue tout accommodement flagrant avec la vérité. Il y a cependant des endroits sur votre CV où vous pouvez dans une certaine mesure travestir la réalité, à partir du moment où l’on n’exige pas de vous d’apporter des preuves et autres justifications.
Je vais décrire trois endroits où vous pouvez vous arranger avec la vérité sur votre CV et jusqu’où vous pouvez aller.
Les dates : devez-vous préciser les mois d’arrivée et de départ ?
Je recommande de supprimer de votre CV les mois où vous avez commencé et terminé chaque poste, et de n’y mentionner que les années. Cela peut combler les trous que vous pourriez avoir entre deux jobs et, pour être honnête, personne ne remarquera vraiment cela lors d’une première analyse. J’ai transmis des CV de candidats dans le cadre de ma formation destinées à les aider à décrocher un job en banque, et je n’ai pas eu un seul cas de recruteur ou de manager RH qui m’ait demandé à voir le mois de départ.
Il existe un risque accru de désarçonner celui qui lit votre CV si dans la rubrique expérience professionnelle un emploi se termine en janvier et que vous n’avez enchaîné sur un autre qu’à partir du mois de décembre de la même année. En ne montrant que les années sur un CV, vous pouvez ainsi masquer 11 mois de chômage qui pourraient être une source d’ennuis vis-à-vis d’autrui. Si tel est le cas, vous devriez peut-être envisager d’ajouter une section expliquant ce que vous avez fait pendant ce laps de temps : peut-être avez-vous suivi une formation ou monté un projet d’entreprise.
Un récent client dénommé James qui a été licencié de son job en banque mais a reçu une indemnité correspondant à trois mois de salaire nous a demandé s’il pouvait mentionner cette période sur son CV comme étant toujours en poste. Nous lui avons répondu que techniquement il pouvait le faire car il était toujours payé par la banque pendant cette période. C’est bien sûr un biais mais encore une fois, cela n’aura pas de conséquence sur votre candidature.
Modélisation financière : êtes-vous vraiment aussi bon que vous le prétendez ?
Un autre domaine où il est très facile de s’arranger avec la vérité est la description de vos prouesses sur Excel. Quiconque tient à être analyst ou associate en banque d’investissement est censé être ‘très compétent’ dans la modélisation financière et, évidemment, devra en apporter la preuve.
Sur votre CV, rajoutez-en une couche sur votre expérience dans l’élaboration de modèles financiers sur Excel que dans la mesure où vous avez réellement avez fait le travail. Si vous venez de l’extérieur du monde de la banque (disons le conseil), alors les managers RH ne s’attendront pas à ce que vous ayez mis en place des modèles élaborés de fusions ou de LBO. Donc, évitez de montrer sur votre CV quelque chose que vous n’avez jamais fait ou bien dont vous n’avez entendu parler qu’une seule fois à l’occasion d’un cours ou d’une vidéo sur YouTube par exemple.
Pour les candidats issus de milieux non financiers désireux de mettre en valeur leurs compétences Excel, décrivez entièrement les types de modèles que vous avez construits. Les modèles de tarification, de planification et de prévision sont les plus transférables aux compétences et aptitudes attendues chez un banquier junior.
Enfin, si vous postulez pour un emploi bancaire mais n’avez jamais réellement construit un modèle financier de votre vie, alors ne prétendez pas être un pro de l’élaboration de modèles financiers. Il est dans ce cas préférable d’être honnête et vous de présenter comme techniquement capable d’apprendre les nuances entre les discounted cash flow (DCF) et les autres méthodes de valorisations d’entreprises.
Expérience du leadership : la meilleure façon de le prouver… est d’en avoir
Démontrer une expérience de leadership sur un CV pour la banque peut devenir disproportionné, en particulier parmi les diplômés et les banquiers juniors fraîchement sortis de l’école. Un exemple fréquent de leadership exagéré de la part des candidats concerne l’expérience de levée de capitaux pour un fonds parrainé par l’école. Trop embellir la réalité par rapport au travail effectif que vous avez fait pour un simple club d’investissement ou fonds de dotation peut vous faire paraître soit arrogant, ou plus intéressé par le buy-side plutôt qu’un job en banque d’investissement, alors soyez prudent lorsque vous postulez.
Une expérience de vrai leadership avec ce type d’activité devrait se limiter aux postes électifs que vous avez occupés (ne prétend pas être un leader ou un décideur qui veut). En montrant une expérience de leadership sur un CV, nous vous recommandons de le limiter à des postes élus au sein d’un club ou une organisation.
L’une de nos clientes dénommée Crystel, aspirante analyste en banque d’investissement, est venue nous voir avec une liste à la Prévert de plus d’une vingtaine d’exemples de leadership sur son CV, dont seulement sept se rapportaient à des postes électifs. Elle n’avait pourtant pas besoin d’en rajouter des tonnes pour prouver ses qualités de leadership pendant ses études. Elle aurait pu se contenter de trois postes de vice-présidente et deux postes de présidente d’association qu’elle occupait pendant ses études à l’Université de Columbia, et de se concentrer sur les initiatives qu’elle y a menées, en construisant un réseau de membres et en animant l’ordre du jour par l’influence et la persuasion.
Si vous mentez sur votre CV, cela peut se retourner contre vous
Dissimuler la vérité sur un CV en banque d’investissement peut sembler tentant, mais j’ai constaté que les CV les plus percutants étaient ceux des candidats qui avaient tendance à prioriser sous forme de bullet points les éléments essentiels plutôt que de tout montrer sous son meilleur jour. Il est préférable d’adopter une approche honnête globale plutôt que dans les détails.
Mentir peut se retourner défavorablement contre un candidat et amener à une perte totale de sa réputation et de sa crédibilité. Nous avons eu un candidat qui est allé à un séminaire d’été à Harvard (ouverts à tous) et qui plus tard a menti en se présentant comme l’un des ‘anciens’ de l’université.
Bien sûr, cela est facilement vérifiable, et une simple recherche de la base de données des anciens de Harvard par mon équipe a montré que le candidat n’avait obtenu aucun diplôme et n’avait aucune affiliation quelconque à l’école. Cela peut être dévastateur pour une candidature.
Alors oui, il s’agit bien d’être créatif sur votre CV et d’embellir vos expériences pour vous présenter sous votre meilleur jour, mais lorsque vous franchissez trop loin la ligne de démarcation avec la vérité, il faut savoir qu’il y aura probablement des conséquences…
Francis de la Cruz est le fondateur de The Write Resume et The Private Placement Group. Auparavant, il a travaillé comme banquier d’investissement chez UBS, Morgan Stanley et J.P. Morgan.