La démission d’Alex Wilmot-Sitwell de Bank of America en mars 2018 est emblématique. Six mois à peine après avoir été nommé président de la zone Europe, Moyen-Orient et Afrique (EMEA) de BofA, celui-ci justifie son départ par le fait qu’il n’était pas satisfait de la stratégie de la banque visant à transférer du personnel vers l’Europe, et qu’il se sentait marginalisé par la promotion de Bruce Thompson à la tête de la division britannique hors UE.
Et il est loin d’être le seul banquier pour qui le Brexit se révèle être un maelstrom politique. Tandis que les banques se préparent à transférer des équipes de Londres (principalement) vers Paris ou Francfort, des sources relèvent que le Brexit a déclenché une vague de politisation sans précédent au sein des banques, des cadres seniors se faisant concurrence pour établir de nouveaux centres de pouvoir. Gagnants et perdants redessineront ainsi les contours du futur secteur bancaire européen.
Bank of America en est un bel exemple. En juin, la banque américaine a annoncé son intention de transférer trois cadres dirigeants à Paris, dont Othmane Kabbaj, ancien responsable EMEA et pays émergents des ventes FICC, nommé responsable UE vente FICC. Des observateurs de chez BofA indiquent que les proches de Kabbaj sont désireux de déménager avec lui afin de préparer leur carrière pour l’avenir. « Le message implicite est que si vous déménagez avec votre patron, le fait qu’il doive pourvoir un certain nombre de postes dans le bureau parisien pourra faire bondir votre carrière », observe l’un d’eux.
Il en irait de même pour l’entourage de Sanaz Zaimi, la responsable mondiale des ventes FICC chez BofA, qui a également déménagé à Paris en juin : les professionnels des marchés londoniens qui la rejoignent s’attendent à ce qu’elle s’en souvienne le moment venu et qu’ils soient récompensés après le Brexit.
Partir… ou rester ?
Cependant, le déplacement de banquiers seniors à Paris crée également des opportunités pour ceux qui restent, en particulier s’ils ont été marginalisés par les nouveaux bureaux en Europe qui ont fleuri avec le Brexit. Chez BofA, des sources révèlent que des gens comme Diego Parascandalo, responsable EMEA de la structuration FICC, qui devait s’installer à Paris mais ne l’a pas fait (en partie parce qu’il ne parle pas français), pourraient voir leur rôle renforcé à Londres.
De même, Bernard Mensah, qui depuis Londres a succédé à Wilmott-Sitwell en tant que président des activités européennes et co-responsable mondial du trading FICC, serait considéré en interne comme un contrepoids au pouvoir de Sanaz Zaimi et Vanessa Holtz (la nouvelle responsable UE du trading FICC) basées à Paris.
« Beaucoup de gens ici pensent que les déménagements à Paris ne sont que le projet vaniteux de quelques managers », déclare une source interne de BofA. « Les gens sont réticents à l’idée de déménager car les coûts sont déjà élevés dans les activités européennes et il n’est pas encore évident que ces nouveaux grands bureaux en Europe soient nécessaires ».
BofA n’a pas souhaité commenter ces allégations, mais un chasseur de têtes a indiqué qu’elle n’était pas la seule banque où des problèmes politiques liés au Brexit causaient des problèmes. « Les choses se passent exactement de la même manière chez Goldman Sachs, Citi et J.P. Morgan », a-t-il déclaré sous couvert d’anonymat. « Le Brexit est devenu un enjeu politique majeur : les managers se positionnent pour bénéficier des retombées, et n’h’ésitent pas à jauger l’envie qu’ont leurs équipes à s’installer en Europe ». Quitte à partir, autant ne pas partir tout seul.
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