La banque d’investissement et le conseil en stratégie ressemblent étrangement à Antigua et aux îles Grenadines : tous deux attirent les élites – ou, selon les propres termes d’un ex-directeur de McKinsey, « des bourreaux de travail quasi compulsifs, peu sûrs d’eux, hyper-intellectuels, dotés d’un fort esprit analytique ». Pour y entrer, comptez un bagage bien fourni, alliant diplômes, références de premier plan et un CV regorgeant de toutes sortes d’activités extra-professionnelles. Et comme le banquier d’investissement et le consultant, vous serez bien payé, vous tutoierez les ‘hautes sphères’ et travaillerez beaucoup plus que vos amis employés dans d’autres secteurs.
Cela ne signifie pas pour autant que la banque et le conseil soient équivalents en termes de carrière. Comme Antigua et les Grenadines, ils présentent quelques différences, par ailleurs assez significatives. Si vous envisagez de faire carrière dans l’une ou l’autre branche, voici quelques pistes pour vous aider à prendre la bonne décision.
La banque est plus rémunératrice, surtout à court terme…
La London Business School place 32% de ses titulaires de MBA dans le conseil en stratégie et 28% dans la finance. Elle s’attache parallèlement à suivre le montant de leurs rémunérations dans ces deux secteurs. Et devinez quoi ? C’est la finance qui paie le mieux – en particulier pour les bonus de fin d’année.
Le différentiel perdure sur le long terme. Les banques d’investissement et les cabinets de conseil en stratégie utilisent des intitulés de postes différents. Néanmoins, Emolument, le spécialiste des salaires en finance, évalue à environ 280k € le salaire annuel des collaborateurs de niveau managing director (MD) dans le conseil, quand celui d’un MD en banque d’investissement avoisine les 770k € à l’année – soit une différence de 177% en faveur du banquier. De toute évidence, si le salaire constitue pour vous le critère déterminant, choisissez la finance.
Mais, comme le souligne un ancien consultant chez McKinsey – qui a depuis rejoint la banque d’investissement, rester longtemps dans le conseil peut vous assurer un poste parmi le top des banquiers. Bien sûr, reconnaît-il, il est fort probable que vous auriez gagné plus dans la banque durant les dix premières années de votre carrière. Mais, précise-t-il, « dès lors que vous atteignez le niveau MD en banque d’investissement, votre salaire commence à plafonner ». Avant d’ajouter : « dans la banque, vous êtes plus à la merci de la volatilité des marchés ou de la performance individuelle. Les salaires des consultants, en revanche, bénéficient d’une tendance régulière à la hausse. » Alors que la rémunération en banque stagne à partir d’un certain stade, elle ne s’envole dans les cabinets de conseil comme McKinsey qu’à partir du niveau senior partner : « prenez le salaire médian d’un vétéran affichant 15 à 20 ans de carrière. Je suis prêt à parier que les consultants de McKinsey ou BCG seraient au niveau des banquiers les mieux payés. » Et c’est effectivement probable : les senior partners des cabinets de conseil gagnent souvent plus d’un million de dollars, soit plus de 900k €.
… mais le conseil offre une meilleure sécurité de l’emploi
Nous y voilà : la sécurité de l’emploi. Vos chances de passer 15 à 20 ans dans le conseil sont très largement supérieures à celles de faire la même carrière dans la banque.
Prenons McKinsey & Co par exemple. Entre 1994 et 2001, l’effectif des consultants au niveau mondial est passé de 3.300 à 7.700 personnes. En décembre 2014, le cabinet employait 19.000 personnes dans le monde, dont un peu plus de 9.000 consultants. En d’autres termes, la hausse des effectifs perdure dans le conseil. Alors que les cabinets comme McKinsey et Boston Consulting sont plutôt prompts à prôner les réductions de coûts, leurs employés semblent relativement préservés.
Les graphes ci-dessous proposent une comparaison avec l’évolution des effectifs de la finance sur les dix dernières années à New York …
… et à Londres :
Autrement dit, les effectifs en banque ont tendance à fluctuer dangereusement et affichent une tendance à la baisse sur le long terme dans les principaux centres financiers. Mais devinez donc qui soutient les banques dans la gestion de la pression des coûts et de la réglementation qui les poussent à réduire les effectifs ? Eh bien justement les consultants ! Même si la banque supprime des postes, les consultants continuent de très bien s’en sortir. D’où le postulat qu’une carrière en banque apparaît sensiblement plus risquée. Vous êtes certes mieux rémunéré, mais cela pourrait ne pas durer.
Le temps de travail hebdomadaire est plus élevé dans la banque, mais le conseil implique souvent des déplacements chaque semaine
Votre temps de travail dans la banque dépend largement du secteur dans lequel vous êtes employé. En sales et trading, vous devrez vous lever aux aurores, mais la clôture des marchés sonnera la fin de votre journée de travail. En investment banking division (IBD) en revanche (fusions-acquisitions ou marchés de capitaux), ce sera beaucoup plus aléatoire : les semaines de 100 heures ne sont pas rares, et les amitiés hors du secteur ont souvent du mal à résister à mesure que les week-ends et les vacances se raréfient face aux exigences professionnelles.
Cela dit, les consultants ne sont pas en reste. Ne perdez pas de vue qu’un consultant peut passer des semaines ‘sur la route’, à des kilomètres de chez lui. L’ancien consultant avec qui nous nous sommes entretenus nous a avoué que les nuits de semaine étaient souvent compliquées – avec des fins de journée autour de 10 heures du soir. Mais contrairement aux banquiers en IBD, les consultants sont rarement sollicités le week-end.
Il est vrai que les banques tentent de trouver une solution pour limiter le temps de travail. Certaines, au nombre desquelles Credit Suisse, Bank of America, Goldman Sachs et JPMorgan , ont mis en place des politiques visant à libérer des week-ends chaque mois pour les banquiers en IBD. Elles recrutent aussi plus de juniors afin de soulager leurs collaborateurs. Bank of America par exemple, aurait recruté en 2014 40% d’analystes et associates de plus qu’en 2013.
Les cabinets de conseil restent eux aussi vigilants quant aux heures de travail. Boston Consulting Group a mis en place ces cinq dernières années une politique baptisée ‘Predictable Time Off’. Elle prévoit d’attribuer à chaque consultant des ‘périodes de relâche prévisibles’ dès le début d’un projet. Durant ces périodes, BCG leur impose de couper totalement les ponts – sans même consulter leurs emails ni leurs messages téléphoniques. Dans le même temps, McKinsey & Co a introduit il y a plusieurs années déjà un programme de flexibilité du travail, détaillé dans un rapport : les employés ont maintenant la possibilité de prendre des périodes de congé sans solde entre les projets, de travailler trois ou quatre jours par semaine, ou de prendre un congé sabbatique d’un an maximum.
Le style de vie d’un consultant : un chemin de traverse ?
Le plus déprimant dans la vie d’un consultant est son style de vie. Si vous travaillez dans la banque, l’essentiel de vos déplacements se limitera aux allers-retours bureau-maison, à New York ou à Londres comme à Paris. Vous devrez peut-être beaucoup voyager si vous occupez un poste senior en prise avec les clients, mais si vous êtes banquier junior en M&A ou trader, vous passerez le plus clair de votre temps vissé à votre écran, sur le site même de votre port d’attache.
Rien de tout cela pour le consultant, pour qui les déplacements sont implicites. Et perpétuels ! Le fameux ‘McKinsey Client Model’ est on ne peut plus clair : « sur site chez le client du lundi au jeudi, et au bureau le vendredi, » comme le confirme un collaborateur de McKinsey. Le site du client peut se trouver à proximité de chez vous comme à des centaines de kilomètres. Si c’est le cas, vous passerez la majorité de vos nuits dans un hôtel sans âme. Ce qu’illustre l’ex-consultant devenu banquier en précisant : « les déplacements sont usants – vous êtes sur la route en permanence, sauf à décrocher un projet dans votre ville de résidence. »
PowerPoint et présentations dans le conseil, modélisations Excel et pitch books dans la banque
Quid du travail au quotidien ? Les banquiers juniors en IBD passent leur temps à créer des modèles financiers sous Excel et des pitch books sous PowerPoint, tandis que les consultants s’acharnent à créer des modèles diagrammatiques et des présentations sous PowerPoint.
La différence essentielle tient donc à la modélisation financière en particulier et à la finance en général. Les banquiers juniors consacrent leur temps à étudier la valeur d’une entreprise et la structure de son capital alors que les consultants juniors réfléchissent à la stratégie d’une entreprise et à la structure de son organisation.
En théorie, la vie de consultant devrait être plus épanouissante du fait qu’ils sont amenés à mettre en œuvre leurs propres recommandations, mais selon un coach en carrières qui suit des consultants cherchant à rejoindre d’autres secteurs,ceux-ci souffrent de frustration – conséquence des interminables présentations et des opportunités trop rares qui s’offrent à eux de mettre leurs idées en pratique ; une frustration somme toute comparable à celle des banquiers juniors cantonnés à préparer des pitchbooks pour des deals M&A qui n’ont jamais abouti…
Selon notre banquier ex-McKinsey, la vie dans le conseil peut présenter un certain intérêt en raison de la diversité des projets. Mais le cadre en transition précise que les consultants juniors peuvent se voir affectés à toute une série de projets, dirigés par autant de partners au sein du cabinet, aux seules fins de préserver leur intérêt pour leur job – ce qui en soit peut vite s’avérer compliqué.
Il est plus facile d’accéder au niveau supérieur après un passage par le conseil
Que se passe-t-il quand vous avez pris la décision de quitter la banque ou le conseil ?
Si vous êtes consultant, vous pouvez toujours partir et devenir cadre supérieur dans le secteur où vous avez été actif. D’après McKinsey, 450 de ses anciens consultants sont aujourd’hui de part le monde à la tête de ‘sociétés valorisées à un milliard de dollars’. C’est le cas entre autres de Tidjane Thiam, nouveau CEO de Credit Suisse et de James Gorman chez Morgan Stanley.
Quitter la banque en revanche semble bien moins évident. Les meilleurs banquiers d’investissement rejoignent le capital-investissement ou des fonds spéculatifs exploitant les aléas du marché. Il arrive également qu’ils rejoignent des entreprises privées et intègrent des équipes chargées de conclure des deals en interne. Mais il y a souvent plus de banquiers désireux de quitter le secteur que de place pour eux sur le marché.
Il est intéressant de constater combien il semble facile de quitter la banque pour le conseil alors que le chemin inverse est bien plus ardu. Les profils accessibles en ligne indiquent que 144 personnes aujourd’hui en poste chez Goldman Sachs ont travaillé au préalable chez McKinsey & Co, alors que 285 collaborateurs actuels de McKinsey & Co ont travaillé précédemment pour Goldman Sachs. Dans la même veine, on compte 63 ex-Bain & Co chez Goldman mais 96 ex-Goldman chez Bain & Co.
En conclusion, si vous êtes malin, commencez par la banque pour passer ensuite au conseil en fonction de la progression de votre carrière. Vous pourrez ainsi tester les deux environnements. Et si vous ne parvenez pas à prendre une décision, prenez quelques minutes pour regarder cette vidéo …
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